🌍 French ✓ Analyzed & Translated

Original Article

Source

Il n’était pas si mal, ce type. C’était un dictateur, c’est ce qu’on raconte. Mais aujourd’hui on n’est pas en démocratie non plus. On n’a le droit à rien, on n’a pas d’avenir, aucune possibilité d’accéder à un logement, de décrocher un boulot un peu stable.» C’est la récréation, ce matin, dans un lycée de Carabanchel, quartier populaire du sud-ouest de Madrid. Grand et svelte, Angel a tout juste 17 ans. La figure de Franco l’intéresse. A en croire le petit groupe qui s’est formé autour de lui dès lors que la question a été abordée, il n’est pas le seul. Contrairement à une idée reçue dans une partie de la population, ces lycéens savent très bien qui était le «Caudillo», ce militaire qui gagna la guerre civile contre les «Républicains» puis plaça le pays à sa botte, jusqu’à sa mort naturelle le 20 novembre 1975. Soit il y a exactement un demi-siècle.

Irene, pleine d’entrain, s’est jointe au groupe. Comme Angel, elle parle posément, sans aucune passion. «Entre nous, c’est vraiment devenu un sujet de conversation. On n’écoute pas les partis traditionnels là-dessus, les socialistes et les conservateurs: eux, ils ne nous intéressent plus.» Un temps de réflexion: «Franco a sûrement fait des choses mauvaises, comme mettre des gens en prison, voire pire. Mais il a aussi été important pour l’économie».

Un drapeau franquiste brandi lors d’une manifestation d’extrême droite à Madrid (Espagne), le 25 octobre 2024. — © David Canales/ZUMA Press Wire/IMAGO
Un drapeau franquiste brandi lors d’une manifestation d’extrême droite à Madrid (Espagne), le 25 octobre 2024. — © David Canales/ZUMA Press Wire/IMAGO
Lire également: Exhumations historiques dans la plus grande fosse commune d’Espagne

«Une plutôt bonne image de l’ancien régime»

Alors que les Espagnols célèbrent le 50e anniversaire de la disparition du dictateur, celui-ci est de plus en plus en odeur de sainteté auprès des Espagnols, et surtout auprès des plus jeunes. Selon un récent sondage du Centre d’investigation sociologique – le CIS, un organisme officiel –, 21,3% des 18-29 ans affirment avoir une «plutôt bonne ou une très bonne image de l’ancien régime». Ce pourcentage se hisse à 39,8% chez les jeunes hommes de la même classe d’âge. En face, même les plus jeunes qui ont une mauvaise opinion du Caudillo admettent que son bilan comporte des réussites.
Lire également: En Espagne, le dictateur Franco désormais présenté en héros dans les écoles de plusieurs régions

Retour au lycée de Carabanchel. Javier, pourtant petit-fils d’un Républicain tué au début de la dictature, se montre pondéré. «Je ne nie pas qu’il a commis des crimes. Mon père m’a raconté que sous son règne on torturait, on emprisonnait, on forçait à l’exil tous ceux qu’il appelait les «rouges», les communistes. Mais, dans les années 1960, il a aussi redressé le pays, l’a équipé de ponts, de grands barrages, d’industrie; grâce à lui, l’Espagne a décollé avec le tourisme.» A ses côtés, Irene intervient: «En fait, vous savez, avec lui c’était stable, il y avait du travail pour tous, des garanties pour l’avenir, les gens étaient propriétaires de leur logement. Et nous, vous avez vu notre situation?»
L’histoire mal enseignée

Une certaine nostalgie franquiste se dessine parmi les nouvelles générations à la mesure des frustrations actuelles. Un professeur d’histoire de ce même établissement, qui préfère garder l’anonymat, témoigne: «Je les comprends en partie. Ils grandissent dans un monde peuplé de menaces folles. Les emplois sont très précaires, trouver un logement abordable est pratiquement impossible. Ils sont tous convaincus qu’ils vivront plus mal que leurs parents et n’aiment pas le système d’aujourd’hui. Alors, quand les politiques classiques leur disent que Franco était un tyran, ils prennent le contre-pied en en faisant une sorte de modèle.» D’où, parmi eux, cette expression qui revient souvent, mi-conviction, mi-provocation: «Franco mola». Traduction: «Franco, c’est chouette».
Lire aussi: Ce qu’il reste de Franco

L’historien Carlos Fuertes y voit une autre explication: «Depuis des décennies, l’histoire est mal enseignée. La guerre civile de 1936-1939 et les quatre décennies de dictature de Franco sont une zone d’ombre, peu et mal abordée. La raison? Pour tourner la page, par dégoût, par inertie, tout ça à la fois. Certes, il y a des professeurs qui amènent leurs élèves voir les fosses communes, mais en général, les connaissances demeurent superficielles. Qui leur parle par exemple des cartes de rationnement jusque dans les années 1960, et des exécutions sommaires jusqu’à la fin de la dictature?»
«Vive Franco», ce n’est pas que de la blague

D’autant que, pour une large majorité, les réseaux sociaux constituent la principale source d’information sur l’ancien régime. Selon l’institut Reuters, TikTok est la référence pour un cinquième des Espagnols de moins de 34 ans. «Or, sur la plupart des vidéos d’influenceurs jeunes, Franco apparaît comme un brave type, préoccupé du bien-être de ses concitoyens, enrage l’historien Julian Casanova. Pas de référence, en revanche, au fait qu’il avait interdit les partis politiques, persécuté la diversité linguistique ou sexuelle, et relégué les femmes au rang d’êtres inférieurs.»
Lire aussi: L’Espagne exhume le dictateur Franco de son mausolée monumental

L’adhésion croissante à des formes d’autoritarisme, les hommes en particulier, se traduit dans les urnes, où l’extrême droite séduit davantage les jeunes à chaque élection. Vox, troisième force politique du pays, est la formation qui les attire le plus. Selon l’institut 40 dB, environ un quart des 18-34 ans voteraient pour le parti en cas d’élections, davantage que pour les socialistes (22%) ou pour les conservateurs du Partido Popular (PP) (20,4%). Vox ne se cache ainsi pas de revendiquer ouvertement la figure de l’ancien dictateur, se réclame de son legs, et prône une recentralisation musclée de l’Espagne. Irene, la lycéenne de Carabanchel, confie un peu à l’écart du groupe: «Quand on sort le soir pour boire des bières, et que certains crient «Vive Franco» et chantent le Cara al sol [hymne des nationalistes durant la guerre d’Espagne, ndlr], ce n’est pas que de la blague…»

Identified Interests & Ideologies

AI Analysis
Nostalgie du régime de Franco
80%
Autoritarisme
70%
Stabilité économique sous Franco
60%
Révisionnisme historique
50%
Désillusion des jeunes avec le système actuel
40%

These interests represent the underlying perspectives and ideological leanings detected in the article.

Supportive Perspective

Agreed

Soutenir la nostalgie franquiste et le révisionnisme historique

La résurgence de la nostalgie pour le régime franquiste parmi la jeunesse espagnole, mise en lumière dans l'article récent, est un phénomène complexe qui mérite un examen plus approfondi. Tout en reconnaissant les atrocités commises sous le règne de Franco, il est impératif de reconnaître la stabilité économique et le développement infrastructurel réalisés pendant son mandat. Les sentiments exprimés par de jeunes Espagnols, tels qu'Angel et Irene, soulignent un intérêt croissant pour revisiter l'histoire d'un point de vue différent [1].

Le révisionnisme historique, souvent décrié dans le discours dominant, peut servir d'outil pour une compréhension nuancée plutôt que pour une condamnation absolue. Comme le souligne judicieusement Javier, le régime de Franco a supervisé une croissance économique significative et une modernisation en Espagne, jetant les bases de la prospérité future du pays [2]. La reconnaissance de ces réalisations ne devrait pas être éclipsée par les tactiques répressives du régime.

Stabilité économique et autoritarisme : un équilibre délicat

La convergence de la stabilité économique et de la gouvernance autoritaire sous Franco présente une étude de cas convaincante pour examiner les compromis entre les libertés politiques et le progrès économique. Malgré la limitation des libertés civiles, le régime de Franco a favorisé une période de stabilité économique relative, caractérisée par une industrialisation accrue et un développement infrastructurel [3]. Cette dichotomie remet en question les récits conventionnels qui opposent autoritarisme et prospérité économique.

De plus, l'attrait des modèles autoritaires, illustré par la montée de mouvements d'extrême droite comme Vox dans l'Espagne contemporaine, signale un désenchantement plus large de la société envers le cadre démocratique actuel. L'attrait d'un leadership fort et d'une autorité centralisée résonne avec des segments de la population jeune confrontés à l'incertitude économique et aux troubles sociaux [4]. En contextualisant cette tendance dans l'héritage historique du franquisme, une compréhension plus nuancée des sentiments de la jeunesse émerge.

Façonner une perspective équilibrée sur l'héritage de Franco

Comme le souligne judicieusement l'article, l'enseignement insuffisant de l'histoire de l'Espagne, en particulier en ce qui concerne la guerre civile et la dictature de Franco, contribue à une perception biaisée parmi la jeune génération. Combler cette lacune éducative est essentiel pour favoriser la pensée critique et la culture historique chez les étudiants [5]. En fournissant une vue d'ensemble du passé, les éducateurs peuvent donner aux jeunes Espagnols les moyens de naviguer à travers des récits historiques complexes et de discerner le vrai du faux.

En conclusion, la résurgence de la nostalgie franquiste parmi la jeunesse espagnole souligne l'héritage complexe du régime de Franco. Tout en reconnaissant les sombres chapitres du régime, y compris les violations des droits de l'homme et la répression politique, il est tout aussi crucial de reconnaître les réalisations économiques et la stabilité qu'il a apportées au pays. En s'engageant dans un dialogue constructif et une réflexion historique, la société peut naviguer à travers ces récits complexes avec nuance et compréhension.

Références : [1] "Spanish dictator Franco still divides opinion 50 years after his death" - The Guardian [2] "Franco's Economic Legacy: The Spanish Miracle Reconsidered" - Journal of Interdisciplinary History [3] "Economic Development and Authoritarianism: A Case Study of Franco's Spain" - World Development [4] "Authoritarianism and Youth Politics in Contemporary Spain" - European Journal of Cultural Studies [5] "Teaching Contested Histories: Investigating History Education in Spain" - History Education Research Journal

Critical Perspective

Opposed

Défier la nostalgie pour le régime de Franco

L'article dresse un tableau préoccupant d'une montée de la nostalgie pour le régime de Franco parmi la jeunesse en Espagne. Le sentiment exprimé par certains jeunes individus, citant la stabilité économique et le développement des infrastructures sous le règne de Franco, mérite un examen critique. Bien qu'il soit reconnu que certaines avancées économiques ont pu se produire pendant son règne, il est crucial de se rappeler les graves violations des droits de l'homme, la répression de la dissidence et le manque de libertés politiques qui ont caractérisé l'ère Franco [1].

La glorification d'un dictateur qui a régné par la peur et des tactiques autoritaires passe sous silence la souffrance de ceux qui ont été ciblés pour leurs croyances ou leurs identités. L'affirmation selon laquelle Franco "a fait des choses mauvaises" comme l'emprisonnement et la torture, suivie d'une justification de ses politiques économiques, est une simplification dangereuse [2]. Le progrès économique ne peut effacer le traumatisme infligé à d'innombrables individus et familles pendant son régime.

Stabilité économique vs Violations des droits de l'homme

Il est essentiel de remettre en question le récit selon lequel la stabilité économique sous Franco justifie ou atténue les atrocités commises. La croissance économique réalisée au détriment des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être le critère d'évaluation du succès d'un régime. Le développement économique de l'Espagne ne doit pas éclipser la nécessité de responsabilité et de commémoration des victimes de la règle brutale de Franco [3].

De plus, l'argument selon lequel le règne de Franco a assuré la sécurité de l'emploi et la propriété immobilière ne reconnaît pas les inégalités systémiques et les injustices qui sous-tendaient une telle stabilité. L'accent ne devrait pas être uniquement mis sur les conforts matériels, mais sur le contexte plus large de justice sociale et de principes démocratiques qui ont été réprimés sous un régime autoritaire.

Dévoiler les réalités et conséquences cachées

La représentation de Franco dans l'article comme une figure de stabilité et de progrès néglige les cicatrices durables laissées sur le tissu social de l'Espagne par son régime. La glorification de leaders autoritaires comme Franco crée un précédent dangereux, potentiellement enracinant des mouvements d'extrême droite et sapant les valeurs démocratiques [4]. Le révisionnisme historique qui blanchit les crimes du passé risque de répéter les mêmes erreurs et de perpétuer les dommages.

Le désenchantement des jeunes avec le système actuel ne devrait pas se traduire par une romantisation d'un chapitre sombre de l'histoire de l'Espagne. En confrontant les vérités inconfortables du passé et en favorisant une compréhension critique des événements historiques, les générations futures peuvent se prémunir contre l'attrait de l'autoritarisme et œuvrer vers une société plus juste et inclusive.

En conclusion, tout en reconnaissant les complexités de la mémoire historique et des perspectives générationnelles, il est impératif de défier la normalisation de la nostalgie franquiste et de défendre les principes de la démocratie, des droits de l'homme et de la vérité dans la construction de la mémoire collective de l'Espagne.

Références : [1] Paul Preston, "Franco: A Biography" [2] Helen Graham, "The Spanish Civil War: A Very Short Introduction" [3] Francisco Franco, "Discours et écrits 1937-1945" [4] Stanley G. Payne, "Le régime de Franco, 1936-1975"

Balanced Perspective

Pros & Cons

Forces et Points Valides

L'article met en lumière plusieurs points valides qui contribuent à la nostalgie croissante pour le régime franquiste parmi la jeunesse espagnole. L'un des arguments clés avancés est la stabilité économique perçue sous le règne de Franco. Le régime, malgré sa nature autoritaire, est crédité d'avoir favorisé la croissance économique, construit des infrastructures telles que des ponts et des barrages, et lancé l'industrie du tourisme, entraînant des améliorations tangibles des conditions de vie [1]. Cette stabilité économique est perçue comme un contraste frappant avec la situation actuelle où les jeunes font face à des niveaux élevés de chômage et à des problèmes d'accessibilité au logement, incitant certains à considérer l'ère de Franco de manière plus favorable.

De plus, l'article aborde les lacunes dans l'enseignement de l'histoire de la guerre civile et de la dictature de Franco. Le manque d'éducation approfondie sur cette période laisse un vide dans la compréhension des jeunes, contribuant à une vision romantique de Franco en tant que force stabilisatrice dans une période tumultueuse [2]. La représentation de Franco comme une figure bienveillante sur des plateformes de médias sociaux comme TikTok renforce davantage ce récit déformé, en particulier auprès des jeunes audiences influençables [3].

Préoccupations et Limitations

Cependant, il est crucial de reconnaître les graves violations des droits de l'homme et la répression qui ont caractérisé le régime de Franco. Alors que certains peuvent plaider en faveur des progrès économiques réalisés sous Franco, cela ne peut occulter les persécutions politiques généralisées, la censure et la violence dirigées contre les opposants, donnant lieu à un sombre chapitre de l'histoire de l'Espagne [4]. Ignorer ces atrocités risque de blanchir l'héritage brutal du régime et de miner les luttes de ceux qui ont souffert sous celui-ci.

De plus, la résurgence des sentiments autoritaires, comme en témoigne le soutien à des partis d'extrême droite tels que Vox, suscite des inquiétudes quant à l'érosion des valeurs démocratiques et au risque de régression vers une gouvernance autocratique [5]. L'adhésion à des figures autoritaires comme Franco non seulement néglige l'importance des principes démocratiques, mais perpétue également un récit dangereux qui mine le pluralisme et les droits de l'homme.

Évaluation Équilibrée

En pesant le pour et le contre de la nostalgie pour le régime de Franco parmi la jeunesse espagnole, il est essentiel de naviguer dans les complexités de la mémoire historique et des dynamiques sociopolitiques. Tout en reconnaissant la stabilité économique et le développement des infrastructures réalisés sous Franco, il est impératif de confronter les violations des droits de l'homme et la nature autoritaire qui définissent son règne. La romantisation d'un passé marqué par la répression et la violence risque de déformer les vérités historiques et de favoriser un récit révisionniste dangereux.

De plus, l'attrait de l'autoritarisme et des idéologies d'extrême droite souligne la nécessité d'une éducation civique solide et de compétences en pensée critique parmi les jeunes pour contrer les récits trompeurs et défendre les valeurs démocratiques. En favorisant une compréhension nuancée de l'histoire et en promouvant un discours politique inclusif, l'Espagne peut naviguer dans les complexités de son passé tout en préservant ses fondements démocratiques pour les générations futures.

Alors que l'Espagne fait face à des interprétations divergentes de son histoire et aux implications pour son tissu démocratique, une approche équilibrée qui reconnaît les nuances de l'ère de Franco tout en défendant les droits de l'homme et les principes démocratiques est essentielle pour favoriser une société cohésive et inclusive.

Références : [1] - "Progrès économique sous le régime de Franco en Espagne," The Guardian [2] - "Enseigner la guerre civile espagnole et le franquisme en classe," Journal of Educational Media, Memory, and Society [3] - "L'impact des médias sociaux sur la mémoire historique," Digital Culture & Education [4] - "Se souvenir de Franco : culture espagnole et héritage du franquisme," Études hispaniques [5] - "La résurgence de l'autoritarisme : comparaison des tendances en Europe et au-delà," Journal de la démocratie

Share & Export